Travail et vie sociale

Qui donnera pour le Japon ? Pourquoi nous devenons insensibles aux tragédies
"Une mort est une tragédie, un million est une statistique" aurait dit Staline. Les chercheurs Cameron et Payne, de l'université de North Carolina, se sont intéressés au fait que plus le nombre de personnes dans le besoin augmente, moins les gens semblent ressentir de compassion. Traditionnellement les chercheurs en psychologie sociale avaient émis l'hypothèse que l'individu est peu capable d'émotions envers un groupe, alors que la souffrance d'un seul individu les touche. Cette nouvelle étude explore l'hypothèse que les besoins de larges groupes sont tellement énormes que la personne se sent impuissante et s'engage dans l'auto-régulation de ses émotions pour ne pas se sentir émotionnellement submergée et impuissante. Les groupes entraîneraient plus un comportement de régulation des émotions que la souffrance ou le besoin d'une seule personne.
Les chercheurs ont menés trois expérimentations. Dans la première, le degré de compassion des participants chutait seulement lorsqu'ils s'attendaient à ce qu'on leur demande de l'argent. Dans la deuxième, le degré de compassion chutait seulement pour les participants habitués à maîtriser leurs émotions. Dans la troisième, les participants que l'on incitaient à contrôler leurs émotions montraient moins de compassion que ceux que l'on incitait à ressentir leurs émotions.
Cette étude montre que le contrôle des émotions rend l'individu insensible à la souffrance de masse. Et que plus des peuples entiers souffrent, moins nous y sommes sensibles.
Note personnelle : Il serait intéressant de vérifier si les méditants qui s'entraînent à la maîtrise des émotions donnent moins aux oeuvres caritatives.
Source : Escaping affect : How motivated emotion regulation creates insensitivity to mass suffering
http://dx.doi.org/10.1037/a0021643



Marine Le Pen, pourquoi ?
Les sondages montrent une escalade des intentions de vote en faveur Marine Le Pen, représentante du Front National. Les urnes gardant bien leur secret, on peut se demander qui vote pour le FN. Et quelles sont les motivations des français qui votent pour la "droite nationale".
Megan Swindal, de l'université de Cornell, a analysé la montée de l'extrême droite en Pologne jusqu'en 2005. La Pologne, dans un contexte post-socialiste, s'est ouverte à des valeurs de liberté. Mais contrairement à l'idée d'associer cette liberté avec un cosmopolitanisme, les polonais ont montré une société se tournant vers des valeurs  économiques libérales et une ambivalence quant à la politique sociale.
Les sondages de cette étude se sont étalés entre 1991 et 2005.
Si la chercheuse pensait trouver cette montée de l'extrême-droite chez les "loosers" du système libéral, ceux avec moins d'éducation, moins de revenus, moins de travail, elle a pu observer au contraire que les valeurs d'extrême droite était soutenues par la classe moyenne, plus éduquée, revendiquant un désir d'identité religieuse forte, de libéralisme économique et le rejet du communisme.
Une étude de 1998 (Knigge), de six pays de l'ouest de l'Europe (dont la France), montrait déjà que la montée de l'extrême droite était plus sensible aux crises sociales (montée de l'immigration) et politiques (désengouement pour les partis politiques au pouvoir) qu'au chômage.
En conclusion Megan Swindal souligne que la montée de l'extrême droite est plus sensible à un idéal qu'aux  facteurs matériels.
Source : Swindal, M. G. (2011). Ideology and social position in Poland: The determinants of voting for the right, 1991–2005. Social Science Quarterly, 92(1), 185-205. doi:10.1111/j.1540-6237.2011.00763.x
http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1540-6237.2011.00763.x/pdf
Knigge, Pia. 1998. ‘‘The Ecological Correlates of Right-Wing Extremism in Western
Europe.’’ European Journal of Political Research 34:249–79.
http://www.springerlink.com/content/4lae3mk6c1qebpt2/



Singer les expression d'autrui ? Les chimpanzés le font aussi !
Si nous rions souvent de bon coeur, il nous arrive aussi de rire pour conforter autrui ou ne pas blesser, ou dans un but politique. Marina Davila-Ross rappelle que l'être humain a la capacité de répliquer les émotions d'autrui, même s'il ressent toute autre émotion. Cette capacité que nous pensions toute humaine, et que nous réprouvons lorsqu'elle est dans un but de manipulation, semble être partagée par les chimpanzés.
Les chercheurs ont observé 59 chimpanzés, répartis en quatre enclos, en Zambie. Deux des enclos existaient depuis 5 ans et deux depuis 14 ans. Si les quatre comprenaient des chimpanzés mâles et femelles et tous âges confondus, les enclos de 5 ans accueillaient essentiellement des chimpanzés orphelins ayant eu peu de contacts avec leurs pairs. Les chimpanzés des enclos de 14 ans avaient déjà une descendance et donc des liens forts. 
Le rire chez les grands singes avait jusque là été constaté lors de jeux ou de chatouillements. Dans cette étude, les chercheurs ont observé et mesuré les réplications de rire (les rires après que les autres aient ri). Si les chimpanzés riaient autant dans les quatre enclos, les réplications de rire étaient plus fréquentes dans les enclos de 5 ans. Les réplications avaient pour but de maintenir l'interaction dans le jeu. 
Les chercheurs ont conclu que tout comme les humains; les chimpanzés savent observer une attitude de rire qui ne correspond pas à leurs émotions personnelles, pour entretenir le lien et les chances d'interactions.
Source : Aping expressions ? Chimpanzees produce distinct laugh types when responding to laughter of others.


Et si l’expérience de Milgram n’avait rien à voir avec la soumission à l’autorité ?
La très célèbre expérience de Milgram, de 1960, incitait les participants à déclencher des décharges électriques de plus en plus fortes, et possiblement mortelles, à des apprenants, lorsqu’ils se trompaient dans l’apprentissage d’une liste de mots. Un soi-disant « expérimentateur », en réalité un comédien, les encourageait tout d’abord, puis leur ordonnait de continuer, malgré la « souffrance » déclenchée. Les apprenants étaient bien-sûr aussi des acteurs. 82,5 % des participants dépassaient les 150V, seuil de douleur où l’apprenant supplie qu’on le détache. Le taux est de plus de 70 % en 2009. Ceux qui se sentent les plus responsables sont les moins enclins à continuer. Milgram avait alors analysé cette observation comme un état de soumission à l’autorité.  En répliquant l’expérimentation, Burger et ses collègues ont observé que plus l’expérimentateur « ordonne » fermement de continuer, plus les participants refusent et abandonnent. Les chercheurs en concluent, après avoir débriefé avec les participants leur vécu de l’expérience, que l’expérience de Milgram en dit plus sur notre propension à agir de façon surprenante dans certaines situations.
Note personnelle : il me semble que l’expérience de Milgram permet aux participants d’exprimer une propension sadique latente, dans la mesure où ils ne sentent pas responsables. Lorsque les « encouragements » à continuer deviennent des ordres, la pulsion se trouve alors inhibée.
Source : Burger, J., Girgis, Z., and Manning, C. (2011). In Their Own Words: Explaining Obedience to Authority Through an Examination of Participants' Comments. Social Psychological and Personality Science DOI: 10.1177/1948550610397632

La faculté de mentir ?
De nombreuses études suggèrent que dire la vérité est le fonctionnement par défaut du cerveau humain. Mentir impliquerait donc une intention de supprimer l’impulsion de vérité. En augmentant la proportion de réponses vraies dans un test, les chercheurs ont pu mesurer que mentir était alors plus coûteux et difficile. En conséquence, accroître la proportion de réponses vraies, dans un test de détection de mensonges, permet une évaluation plus fiable. L’habitude de mentir rend le mensonge plus facile.
Source : The ease of lying
Larmes de crocodile ?
On peut se demander si un remord est sincère ou non. Selon l’observation de 300 000 témoignages, un remord sincère se traduit par moins d’expressions faciales et gestuelles, un discours plus fluide, moins d’émotions suite à l’expression du remord et un retour plus rapide au calme émotionnel. Un remord mis en scène créé spontanément un état émotionnel perturbé.
Cette étude permet à la justice d’apprécier de tels comportements parfois ambigus.
Source : Crocodile Tears: Facial, Verbal and Body Language Behaviours Associated with Genuine and Fabricated Remorse
http://www.springerlink.com/content/u75712634tm06444/


Le coaching des managers inutile ?
Plus que le manager, l'équipe toute entière compte, nous explique Johan Bertlett, de l'université de Lund, Suède.
S'il faut bien sûr un bon manager, c'est l'interaction entre le manager et son équipe qui est essentielle. Un bon manager ne peut réussir s'il n'est pas en congruence avec l'équipe.
Berlett souligne que les formations devraient inclure le manager et son équipe, et qu'un coaching isolé du manager n'est pas aussi efficace.
Le manager est là pour créer de bonnes conditions de travail et dans ce cadre donner l'opportunité à chacun d'exercer sa créativité et sa capacité d'autonomie. Berlett encourage à régler les problèmes de façon informelle et au niveau opérationnel. Le manager peut alors se consacrer à la vision stratégique.
Source : Johan Bertlett. "An Employeeship Model and its Relation to Psychological Climate. A Study of Congruence in the Behavior of Leaders and Followers."